système de la récompense. Il est très important de ne pas exposer les plus jeunes aux écrans tels que la
télévision, le portable, la tablette… Serge Tisseron a publié de nombreux ouvrages sur le sujet qui peuvent
être utiles aux parents comme « 3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir », Toulouse, Érès, 2013.
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Selon vous, faudrait-il légaliser le cannabis en France ?
« Plus de 4 millions de Français consomment du cannabis. A 17 ans, 4 adolescents sur 10 l’ont
expérimenté.
La France est un des pays les plus consommateurs alors que sa législation est un des plus sévères
d’Europe. Il y a moins de jeunes qui consomment du cannabis en Holland alors qu’il est partiellement
légalisé. Jusqu’en 2019, la loi française prévoyait un an de prison et 3750 euros d’amende pour un
simple consommateur. Loi incomprise car les consommateurs de cannabis ne se considèrent pas comme
délinquants, loi inapplicable (Il n’y a que 70 000 places de prison !), loi injuste, les personnes
interpellées font trop souvent partie des minorités et des quartiers défavorisés.
Depuis 2019, la loi a été amendée et la sanction retenue est une amende forfaitaire de 200 euros.
Cette loi est un progrès mais elle reste mal comprise par les jeunes qui fument du cannabis. Ils ne com-
prennent pas pourquoi il y a une interdiction pour un produit qui rend beaucoup moins dépendant que le
tabac et qui a une toxicité bien moindre que celui de l’alcool. En outre, cette loi ne change rien au trafic
qui continue de prospérer. Les réseaux mafieux n’ont pas de préoccupations de santé publique, notam-
ment pour limiter la consommation des plus jeunes. Je pense que le système actuel est le plus mauvais
qui soit. Bien entendu, le mieux est de ne pas consommer de cannabis. Ainsi nous serions plus en mesure
de limiter la consommation des plus jeunes avec un système de distribution organisé et contrôlé par
l’État comme en Californie, au Canada, en Uruguay ou dans certaines villes suisses.
La prohibition à l’évidence ne marche pas et surtout elle empêche de faire un travail de prévention intel-
ligent basé non sur l’interdiction mais sur la réduction des risques. Il faut informer les consommateurs
sur les risques qu’ils encourent en fumant, et comment diminuer ces risques. Par exemple, on sait que la
consommation de cannabis perturbe les réflexes, ce qui a des implications sur la conduite de véhicules.
Ainsi on a mesuré que le cannabis multiplie par deux le risque d’accident mortel, l’alcool par huit. L’as-
sociation des deux substances par quinze. De nombreux accidents mortels à la sortie de boites de nuit
sont dus à la consommation simultanée d’alcool et de cannabis.
La plupart des personnes qui s’occupent des addictions sont favorables à une distribution contrôlée du
cannabis et notamment à un système qui puisse échapper aux mafias et être supervisé dans un esprit
respectueux de la santé publique et de la santé des plus jeunes.
Aux Etats-Unis et notamment dans les Etats de Washington et au Colorado, les premiers résultats où le
cannabis a été légalisé, on observe une baisse de la consommation chez les mineurs.
Les « pot shops » où l’on peut se procurer du cannabis, sont interdits aux moins de 21 ans. Le marché
noir régresse sensiblement et il y a de grandes campagnes de sensibilisation et de prévention pour ex-
pliquer que la consommation de cannabis quand on est jeune est plus nocive pour la santé.
Je suis convaincu que la France va légaliser, dans quelques années le cannabis. La légalisation est iné-
vitable. Il y a une évolution de la société mondiale. »
• La dernière campagne anti-tabac a-t-elle eu une incidence sur la
consommation ?
« Aujourd’hui il y a une baisse sensible de la consommation de tabac. Le tabac a des conséquences sur
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