Atypeek Mag N°1 | Page 193

séléctions POTEMKINE
Date de sortie : 11 janvier 2017 ( 1h18 ) De : Harmony Korine Avec : Brian Kotzur , Rachel Korine , Harmony Korine , Travis Nicholson Genre : Expérimental Nationalité : Américaine
TRASH HUMPERS ( 2009 ) de Harmony Korine
Trash Humpers est avant tout un essai esthétique . Alors attention , ici le réalisateur n ’ est pas en quête du beau , mais au contraire d ’ une poésie qui naît de l ’ abject , de l ’ obscène , de la vulgarité . Le Marquis de Sade disait lui-même : « La beauté est la chose simple , la laideur est la chose extraordinaire » dans ses 120 Journées de Sodome . Hé bien , les bacchanales prennent ici une dimension d ’ horreur sociale bien typée redneck . Le sexe se fait toujours en solitaire : fellation de branches , masturbations avec des légumes et viols de poubelles encore et encore . Entre les blagues racistes et homophobes , l ’ histoire d ’ un gars qui se fait rouler dessus par un tracteur , les tenues aux couleurs du drapeau confédéré et les accents bien marqués , pas de doutes , on est dans le Sud profond . Portant des masques qui évoquent à s ’ y méprendre le grand-père du premier Massacre à la tronçonneuse , les personnages de Korine s ’ inscrivent non seulement dans une tradition du monstrueux typique du Southern Gothic mais aussi dans une histoire de l ’ art aux États-Unis . Ils rappellent les photographies de Ralph Eugene Meatyard et Diane Arbus , les installations d ’ Edward Kienholz ou les travaux vidéo de Paul McCarthy . Les masques perturbent de par le caractère indéfinissable des personnes qui les portent . Le masque a donc valeur de miroir quant à cette autre Amérique que Korine cherche à dépeindre dans ses films . Du coup , ces êtres sont réduits à des besoins élémentaires : manger , déféquer , rire , pisser . Ils participent aussi à l ’ atmosphère d ’ inquiétante étrangeté du film , car monstrueux ils le sont à plusieurs niveaux . Obsessionnels , sadiques , ils n ’ hésitent pas à humilier l ’ autre , comme ces pseudo frères siamois reliés par un collant sur la tête qui font un spectacle de marionnette inspiré de Chang et Eng Bunker . Pas très cool . Trash Humpers suit donc ce gang de vieillards malfrats pervers et stupides , qui ne pensent qu ’ à mettre le boxon comme de jeunes enfants ingérables . Le cinéma de Korine est définitivement punk et c ’ est là sa force , il s ’ affranchit de toutes les règles du politiquement
correct . Du coup , le choix de tourner en VHS donne une force particulière à ce film . Le son brut , l ’ image granuleuse , presque abstraite , les couleurs fades , tout contribue à créer une certaine angoisse , une hypnose , sans parler des rires crispants d ’ Hervé , le personnage que Korine incarne . C ’ est cet aspect qui nous renvoie à une de ses influences principales : le Werner Herzog de Les nains aussi ont commencé petits . Même sens du grotesque et de la répétition , jusqu ’ à provoquer le malaise pur et simple . ( ML ))
Date de sortie en salles : 15 février 2017
Date de sortie : à paraître ( 1h30 ) De : Jon Nguyen , Rick Barnes , Olivia Neergaard-Holm Avec : David Lynch Genre : Documentaire Nationalité : Américaine
DAVID LYNCH , THE ART LIFE ( 2016 ) de Jon Nguyen , Rick Barnes & Olivia Neergaard-Holm
Parcours dans l ’ enfance et les années de formation de David Lynch , The Art Life nous dévoile l ’ âme d ’ un peintre qui s ’ est retrouvé dans le cinéma un peu par hasard . Porté par la poésie des souvenirs racontés , le documentaire explore l ’ apprentissage d ’ une vision du monde qui donnera naissance à un des plus grands génies du 7 e art . Bien plus qu ’ un simple portrait d ’ artiste , le film questionne tout ce qui nous rend humain : la passion , les accidents de parcours , les désenchantements , les rencontres qui élèvent l ’ esprit , les images qui hantent et l ’ essence même du vivant . En juxtaposant la parole révélatrice de moments signifiants selon l ’ artiste , les images d ’ archives bon enfant ( photographiques ou filmées ) et les tableaux , parfois très sombres et torturés , se crée un niveau de lecture complexe . La grande force des réalisateurs a été de capter ce Lynch secret , pudique et terriblement touchant ( le plan final vous fera couler une larme ), celui-là même qui stoppe un récit en plein milieu car il sent qu ’ il est allé trop loin dans les révélations . Se terminant sur le tournage d ’ Eraserhead , on ne peut que mieux comprendre pourquoi Lynch reste tant attaché à ce premier film étonnamment autobiographique qui ne fait que raconter le cheminement d ’ un homme qui pénètre le monde des rêves afin d ’ échapper à un réel qui le sclérose , ce qu ’ a fait David Lynch en choisissant la vie d ’ artiste . L ’ aboutissement d ’ une époque retranscrite avec sensibilité dans ce documentaire poignant . ( ML )

Top 9

Une sélection de Nils Bouaziz
LE MIROIR
« La réduction du cinéma de Tarkovski à son essence même . Le mental , la mémoire , la psyché prennent le pas sur le récit pour atteindre la magie pure . Jusqu ’ à ce qu ’ il finisse le montage , Tarkovski ne savait pas lui-même ce qu ’ il faisait . Un film qui échappe à tous les codes du cinéma et même à son réalisateur ! Je suis ébloui à chaque vision du film . »
MIND GAME
« J ’ ai toujours aimé l ’ animation , mais ce film va beaucoup plus loin que le manga classique . C ’ est presque un hommage à toute la créativité de ce cinéma depuis qu ’ il existe . Un film qui mérite plus de reconnaissance . »
ADIEU PHILIPPINE
« Rozier faisait tout ce que j ’ avais envie d ’ aimer dans la Nouvelle Vague . Un cinéma libre , buissonnier , qui part dans la rue à l ’ aventure , Rozier le représente bien plus que tous les autres . Le cinéma de l ’ inconscience , de la fraîcheur , presque de la naïveté .»