Atypeek Mag N°1 | Page 188

séléctions POTEMKINE
Date de sortie : 21 avril 2009 ( 1h42 ) De : Sang-soo Im Avec : Suk-kyu Han , Yun-shik Baek , Jae-ho Sang Genre : Comédie Nationalité : Corée du Sud
THE PRESIDENT ’ S LAST BANG ( 2005 ) d ’ Im Sang-soo
La « Maison Bleue » de Séoul est en effervescence . En ce 26 octobre 1979 , le président s ’ est annoncé , vieux tyran solitaire qui vient de plus en plus souvent y noyer sa mélancolie . Cela fait seize ans que Park Chung-hee règne sur la Corée du Sud . On lui a tué sa femme , cinq ans plus tôt , lors de la fête nationale . Depuis , ses conseillers privés sont devenus ses pourvoyeurs en alcool et en filles . Ils sont trois , ce soir-là , à le contempler , vautré sur les seins d ’ une call-girl , se pâmant devant le charme mélancolique de romances japonaises . À l ’ écouter , aussi , pérorer sur son libéralisme (« J ’ ai toléré un parti d ’ opposition , moi ! ») et sur la démocratie (« Combien de pays l ’ appliquent-ils réellement ? »). Yang , le servile , bat des mains à chaque phrase . Cha , le chef de la sécurité , nouveau favori , cherche
à plaire encore plus . Seul Kim , le chef de la CIA locale , ami fidèle presque en disgrâce , joue double jeu . C ’ est qu ’ il a décidé , ce soir , avec des complices , de tuer Park Chung-hee . Im Sang-soo ( remarqué , l ’ an dernier , avec Une femme coréenne ) n ’ idéalise personne . « On sent tous mauvais », dit l ’ un des personnages , et on doit prendre cette réplique au propre comme au figuré . Les conjurés qu ’ il nous montre sont des courtisans repentis . Et leurs motivations sont troubles , opaques , dissimulées sous leurs actes , qui seuls intéressent le réalisateur . Son film ressemble au travail d ’ un flic qui s ’ intéresserait aux détails - qui était là ? qui a fait quoi ? - pour mieux avoir une vision globale des faits . Dès les premières minutes , un travelling latéral fait défiler les pièces d ’ une prison où l ’ on pratique la torture au nom du président . Avant et après la tuerie , des mouvements de caméra similaires - le dernier , en plongée pour accentuer le propos - semblent faire le point . Résumer les événements . À la manière des chapitres d ’ un livre ou des titres d ’ un journal . Cette rigueur , qui n ’ exclut paradoxalement ni émotion ni lyrisme , faiblit dans la dernière demi-heure , lorsque le ridicule s ’ impose . On sourit , bien sûr , devant ce responsable de la sécurité refoulé de son ministère par ses propres troupes . Ou de cet imbécile couvrant d ’ une casquette pudique l ’ intimité du cadavre présidentiel . Mais la dérision insolente qui plane sur le film est si forte que la farce , curieusement , l ’ affaiblit un instant . Le film a soulevé des remous à Séoul , notamment auprès de la fille de Park Chunghee . Moins , semble-t-il , parce que son père était dépeint comme un dictateur que parce qu ’ il avait la faiblesse d ’ aimer les chansons japonaises et les jeunes filles en fleur . L ’ honneur familial des tyrans est , parfois , aussi bizarre que les motivations de ceux qui les tuent . ( JT )
Date de sortie : 5 février 2013 ( 1h45 ) De : Bobcat Goldthwait Avec : Joel Murray , Tara Lynne Barr Genre : Comédie Nationalité : Américaine
GOD BLESS AMERICA ( 2011 ) de Bobcat Goldthwait
Privé de sommeil par le vacarme de ses voisins , viré de son open-space à la suite d ’ une plainte douteuse de harcèlement , Frank apprend dans la foulée qu ’ il va mourir d ’ une tumeur au cerveau . Avant de se suicider , ce vieux garçon aigri et misanthrope décide de partir en croisade contre la bêtise et la vulgarité de ses concitoyens , lobotomisés par la télé , selon lui , et d ’ assassiner toutes les personnes qui le méritent , toujours selon lui . Qui n ’ a jamais rêvé d ’ étriper ainsi le type qui répond à son portable dans une salle de cinéma ou l ’ intégra lité du casting de ces émissions de télé-réalité débiles qui polluent nos écrans ? Humour très noir , donc , pas loin de Borat , pour cette charge au bazooka contre la dégénérescence des médias et du public . Le réalisateur , Bobcat Goldthwait , est spécialiste de la provoc et des sujets scabreux . Dans Juste une fois ( 2007 ), il était question d ’ un inavouable désir zoophile ; dans World ’ s Greatest Dad ( 2009 ), Robin Williams maquillait en suicide la mort accidentelle de son fils ( par strangulation auto-érotique ) pour lancer sa carrière d ’ écrivain raté ... Ici , la satire tourne au jeu de massacre quand Frank s ’ adjoint les services d ’ une adolescente qui partage sa fureur nihiliste . Le couple de justiciers , pris dans une spirale de violence , évoque alors l ’ équipée sauvage de Tueurs-nés , d ’ Oliver Stone , en moins speed et en plus amusant . ( JT )
188 ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017