Atypeek Mag N°1 | Page 183

183 ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017
“ Pour moi l ’ essentiel avec le cinéma et l ’ art en général , c ’ est de créer de la mémoire et du souvenir ”
© DR - LE MIROIR ( 1975 ) de Tarkovski
© DR - Paris pied nus ( 2016 ) d ’ Abel et Gordon
Il y a cela dit un film qu ’ on a sorti qui est pile poil entre quelque chose d ’ artistique et de plus grand public , c ’ est Paris pieds nus de Dominique Abel et Fiona Gordon , les Belges qui avaient fait L ’ Iceberg , Rumba , La Fée , et qui sont assez proches d ’ un cinéma que j ’ aime beaucoup c ’ est celui de tati et de Buster Keaton . En même temps , ils ont un potentiel populaire , de comédie assez important .
Est-ce qu ’ on peut être désenchanté aussi quand on découvre tout l ’ envers de la chaîne de distribution d ’ un film ?
C ’ est un sujet compliqué , il y a beaucoup de films . On pourrait se dire que les gens ne sont pas curieux , mais je me mets aussi à la place des exploitants par exemple . Des fois ce serait bien qu ’ ils fassent un petit effort , qu ’ ils essaient , mais ils n ’ essaient même pas . Tout le monde a besoin de manger , la vie c ’ est difficile donc ils préfèrent remplir leurs salles avant de remplir leurs esprits . Heureusement il y a pas mal de salles qui jouent le jeu et des gens qui mettent leur passion avant tout . Mais je n ’ ai pas déchanté , car je savais déjà un peu comment cela se passait .
Je m ’ en doutais et on m ’ en avait parlé . Mais la distribution est quelque chose d ’ assez impitoyable . Et il y a tellement peu de temps pour gagner , c ’ est-à-dire que le film puisse trouver ses spectateurs , ça , c ’ est le vrai défi et c ’ est jamais gagné d ’ avance .
Penser les films en tant qu ’ objets de commerce , estce que cela aussi peut ternir la passion du cinéma ?
À partir du moment où on fait la chose bien , cela ne ternit pas la passion , ça l ’ élève . Faire un beau DVD ce n ’ est pas créer un objet commercial autour d ’ un film , c ’ est trouver le moyen de l ’ amener vers son potentiel spectateur le mieux possible , parce qu ’ on a besoin d ’ accès matériel à une œuvre . Pourquoi on aime bien aller au cinéma , c ’ est parce qu ’ il y a une salle avec un grand écran , des fauteuils confortables , ce n ’ est pas juste des yeux et un film . C ’ est pareil pour chez soi , voir des films sur un disque dur , c ’ est assez déprimant à la longue et surtout cela ne crée pas quelque chose qui est pour moi essentiel avec le cinéma et l ’ art en général , c ’ est de créer de la mémoire et du souvenir . On y a accès par l ’ œuvre mais qu ’ on peut travailler grâce à l ’ objet et grâce à différents petits apparats de souvenirs liés à des œuvres . Le livre arrive à faire cela car c ’ est un objet et qu ’ on a des bibliothèques chez nous , mais avec la musique ou le cinéma , c ’ est le DVD ou le disque , et c ’ est important d ’ avoir ce rapport aux choses , pour maintenir son propre éveil face à sa propre mémoire . Sinon , on oublie les choses .
Exerces-tu parfois une censure sur tes goûts ? Des films que tu aimes mais que tu t ’ interdis à publier car trop hors normes ?
Je pourrais citer Tenemos la carne . C ’ est le premier longmétrage d ’ un jeune mexicain , c ’ est un film qui va très loin , avec beaucoup d ’ exigence et de qualités artistiques .
Mais il y a un certain stade de liberté artistique où je sais qu ’ on ne va même pas essayer de le défendre car ce serait perdre du temps et de l ’ énergie pour rien , même si j ’ aimerais que le film soit un peu vu . Mais à part trois salles de fous furieux qui vont le programmer , on sait que ce film sera rejeté par la plupart de l ’ exploitation .
Une déception que je pourrais avoir , c ’ est ce film-là . Après , il y en a régulièrement . Je fais quatre ou cinq festivals par an , il a eu au moins un ou deux films par festivals où je me dis là il y a quelque chose de super dedans mais on sait qu ’ on va droit dans le mur si on s ’ en occupait .
Le fait d ’ avoir la boutique crée un lien direct avec les spectateurs , et vous vous êtes lancés dans un projet où ce sont les spectateurs ( sélectionnés ) qui choisissent un film qui sera distribué en salles , Scope100 .
On a souvent des retours de spectateurs qui , on le sait , attendent des films comme Evolution ou Dead Slow Ahead , et grâce - ou malheureusement - aux réseaux sociaux , on a des commentaires de gens qui sont malheureux de ne pas voir les films qu ’ on distribue .
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183 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 “Pour moi l’essentiel avec le cinéma et l’art en général, c’est de créer de la mémoire et du souvenir” ©DR - Paris pied nus (2016) d’Abel et Gordon Il y a cela dit un film qu’on a sorti qui est pile poil entre quelque chose d’artistique et de plus grand public, c’est Paris pieds nus de Dominique Abel et Fiona Gordon, les Belges qui avaient fait L’Iceberg, Rumba, La Fée, et qui sont assez proches d’un cinéma que j’aime beaucoup c’est celui de tati et de Buster Keaton. En même temps, ils ont un potentiel populaire, de comédie assez important. Est-ce qu’on peut être désenchanté aussi quand on découvre tout l’envers de la chaîne de distribution d’un film ? C’est un sujet compliqué, il y a beaucoup de films. On pour- rait se dire que les gens ne sont pas curieux, mais je me mets aussi à la place des exploitants par exemple. Des fois ce serait bien qu�