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la structure de notre système nerveux . Maintenant , comme je le dis dans l ’ intro , la notion de “ posthumain ” peut être mise en question , tant que le mot humain n ’ est pas défini . Une chose est sûre , certaines caractéristiques de ce qu ’ on considère comme la “ condition humaine ” se trouvent abolies par cette accélération accélérante , notamment la stabilité de nos perceptions et de notre identité elle-même .
Un autre point sur lequel je voudrais insister , c ’ est que cette notion de « posthumanité » n ’ est en rien une position morale . Il ne s ’ agit pas de rêver à des surhommes , ou à des saints . Simplement de mettre l ’ accent sur le caractère profondément fluide de notre constitution . Prends la « cupidité », par exemple . La cupidité qui pousse à avoir plus de femmes , de terres , de bétail , est-elle du même ordre que la cupidité qui nous fait désirer un ensemble symbolique de signes extérieurs de richesse et de position sociale ?
La première est l ’ expression d ’ un simple désir de gratification animale . La seconde en est une version hautement abstraite , et parfois franchement mathématique . Elles ont une racine commune , c ’ est sûr . Peut-on réduire totalement l ’ une à l ’ autre ?
Le remplacement des gènes par les « memes » en est un autre exemple . Dans le temps , un homme pouvait mesurer son succès par le nombre de ses descendants .
Aujourd ’ hui , le pouvoir se mesure d ’ une manière bien différente , par la façon dont on impose ses « memes », ses idées …
Quant à l ’ ego , de nombreux penseurs - dont McLuhan , encore lui - pensent que sa perception et sa structure diffèrent largement selon les civilisations .
Certains considèrent que la fusion progressive de l ’ homme et de la machine suffit à faire de nous des cyborgs . Pourtant , suffit-il de greffer un pacemaker à une grand-mère et un grand-père pour en faire des post-humains , lesquels resteront potentiellement scotchés dix heures par jour devant le Juste Prix et les retransmissions quotidiennes en direct du château de la Starac ’ ?
Mais voila un système parfaitement posthumain ! Et plus encore à cause de la télé que grâce au pacemaker ! Le « couch potatoe » est sans aucun doute un nouveau type d ’ être humain . Même sa physiologie est certainement différente de celle du chasseur-cueilleur du paléolithique . De surcroît , je suis convaincu que la télévision a apporté plus de modifications positives dans notre comportement qu ’ on veut l ’ admettre . Je suis personnellement très indulgent pour des phénomènes comme la Starac ’. J ’ attends la preuve que les générations qui ont vécu sans télé ni reality shows étaient plus lucides , plus savantes , plus démocrates , plus pacifiques que les nôtres . Un simple coup d ’ œil à un livre d ’ histoire suffit à montrer que ce n ’ est pas le cas . Et si la Starac ’ est le prix à payer pour l ’ Internet , la mécanique quantique , la liberté d ’ expression , la musique de Jon Hassel ou l ’ égalité entre hommes et femmes , moi je dis : « Hourra pour Jenifer ! »
Puisque nous en sommes à parler de post-humanité , où trouve-t-on les origines de ce concept de transformation de l ’ espèce ? L ’ introduction de ton livre mentionne à juste titre le surhomme communiste rêvé par les Soviétiques et son pendant aryen chez les Nazis …
L ’ idée d ’ une transcendance de l ’ humain est très ancienne . Henri Michaux définissait l ’ hindouisme comme la plus prométhéenne des religions , et il est certain que le vers du
Rig Veda : « Nous avons bu le soma , nous sommes devenus des dieux » est l ’ une des premières , sinon la première proclamation posthumaine de l ’ histoire . Sinon , je pense que le mouvement alchimique ( en Chine comme en occident ) réunit tous les éléments d ’ une philosophie du dépassement de l ’ humain par des voies technologiques , sans oublier leur rêve d ’ immortalité physique . Dans des temps plus récents , j ’ aimerais citer Olaf Stapledon , que je n ’ ai malheureusement pas eu la place de traiter comme il le méritait dans mon livre .
Quant aux nazis ou aux communistes , ils ont développé des versions pathologiques de l ’ idée , et la possibilité de telles déviances doit rester dans les mémoires comme un avertissement . Mais on ne saurait , comme le font certains , limiter la description d ’ un concept à sa pathologie .
Finalement , quitte à agiter les vieux démons et raviver le fantôme de Terminator , la seule vraie forme de post-humanité ne serait-elle pas à chercher du côté de l ’ intelligence artificielle , dans des créations humaines qui pourraient être appelée à nous remplacer ?
Franchement , je ne le crois pas . Pas parce que je pense l ’ intelligence artificielle impossible , pas du tout . Mais il me semble évident que depuis la conférence de Dartmouth en 1956 , qui vit la naissance du domaine , nous n ’ avons pas tellement avancé .
ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017 155
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Aujourd’hui, le pouvoir se mesure d’une manière bien
différente, par la façon dont on impose ses « memes »,
ses idées…
Quant à l’ego, de nombreux penseurs - dont McLu-
han, encore lui - pensent que sa perception et sa structure
diffèrent largement selon les civilisations.
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la structure de notre système nerveux. Maintenant, comme
je le dis dans l’intro, la notion de “posthumain” peut être
mise en question, tant que le mot humain n’est pas défini.
Une chose est sûre, certaines caractéristiques de ce qu’on
considère comme la “condition humaine” se trouvent
abolies par cette accélération accélérante, notamment la
stabilité de nos perceptions et de notre identité elle-même.
Certains considèrent que la fusion progressive de l’homme
et de la machine suffit à faire de nous des cyborgs. Pourtant,
suffit-il de greffer un pacemaker à une grand-mère et un
grand-père pour en faire des post-humains, lesquels rest-
eront potentiellement scotchés dix heures par jour devant
le Juste Prix et les retransmissions quotidiennes en direct
du château de la Starac’ ?
Un autre point sur lequel je voudrais insister, c’est
que cette notion de « posthumanité » n’est en rien une
position morale. Il ne s’agit pas de rêver à des surhommes,
ou à des saints. Simplement de mettre l’accent sur le car-
actère profondément fluide de notre constitution. Prends la
« cupidité », par exemple. La cupidité qui pousse à avoir plus
de femmes, de terres, de bétail, est-elle du même ordre que
la cupidité qui nous fait désirer un ensemble symbolique
de signes extérieurs de richesse et de position sociale ? Mais voila un système parfaitement posthumain !
Et plus encore à cause de la télé que grâce au pacemaker !
Le « couch potatoe » est sans aucun doute un nouveau
type d’être humain. Même sa physiologie est certainement
différente de celle du chasseur-cueilleur du paléolithique.
De surcroît, je suis convaincu que la télévision a apporté
plus de modifications positives dans notre comportement
qu’on veut l’admettre. Je suis personnellement très indul-
gent pour des phénomènes comme la Starac’. J’attends la
preuve que les générations qui ont vécu sans télé ni reality
shows étaient plus lucides, plus savantes, plus démocrates,
plus pacifiques que les nôtres. Un simple coup d’œil à un
livre d’histoire suffit à montrer que ce n’est pas le cas. Et
si la Starac’ est le prix à payer pour l’Internet, la mécan-
ique quantique, la liberté d’expression, la musique de Jon
Hassel ou l’égalité entre hommes et femmes, moi je dis :
« Hourra pour Jenifer ! »
La première est l’expression d’un simple désir de
gratification animale. La seconde en est une version haute-
ment abstraite, et parfois franchement mathématique.
Elles ont une racine commune, c’est sûr. Peut-on réduire
totalement l’une à l’autre ? Puisque nous en sommes à parler de post-humanité, où
trouve-t-on les origines de ce concept de transformation
de l’espèce ? L’introduction de ton livre mentionne à juste
titre le surhomme communiste rêvé par les Soviétiques et
son pendant aryen chez les Nazis…
Le remplacement des gènes par les « memes » en
est un autre exemple. Dans le temps, un homme pouvait
mesurer son succès par le nombre de ses descendants. L’idée d’une transcendance de l’humain est très anci-
enne. Henri Michaux définissait l’hindouisme comme la plus
prométhéenne des religions, et il est certain que le vers du
Rig Veda : « Nous avons bu le soma,
nous sommes devenus des dieux »
est l’une des premières, sinon la
première proclamation posthumaine
de l’histoire. Sinon, je pense que le
mouvement alchimique (en Chine
comme en occident) réunit tous
les éléments d’une philosophie du
dépassement de l’humain par des
voies technologiques, sans oublier
leur rêve d’immortalité physique.
Dans des temps plus récents,
j’aimerais citer Olaf Stapledon,
que je n’ai malheureusement pas
eu la place de traiter comme il le
méritait dans mon livre.
Quant aux nazis ou aux
communistes, ils ont développé des
versions pathologiques de l’idée,
et la possibilité de telles déviances
doit rester dans les mémoires
comme un avertissement. Mais on
ne saurait, comme le font certains,
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