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Article par: ne m’ a vraiment interrogé à ce sujet. Au cours de mes trente ans de carrière, j’ ai écrit sur beaucoup de différents sujets, dont certains pouvaient sembler être aux antipodes de la technologie, comme l’ art et le sexe. Nous avons réalisé un numéro spécial de bOING bOING sur le sexe au début des années 90 et j’ ai même eu la charge d’ une colonne dans CORE, un magazine porno new-yorkais. Le monde de la sensualité, de l’ érotisme et du sexe a toujours joué un rôle important dans ma vie et par moments dans mon travail. C’ est amusant, quand on parle de « cyborgs », les gens pensent toujours à la partie « machine », ils ne pensent pas souvent à la « viande », à la part organique et sensuelle. Les cyborgs ont aussi besoin d’ amour! Humaniser la technologie auprès de ceux qu’ elle intimide ou de ceux qui l’ ignorent est devenu comme une mission pour moi, tout comme de rappeler l’ existence du monde sensuel au monde technologique. Mon livre est sous-titré « and Other Tales of Art, Eros and Embedded Systems », parce qu’ il aborde trois domaines: l’ art( et toutes les formes de créativité ou d’ imagination), Eros( la sensualité, la sexualité, l’ amour), et les systèmes embarqués( toutes les formes de technologies de plus en plus miniaturisées), qui ont été trois thèmes majeurs de mon travail. Et de ma vie. Je ne vois pas ces thèmes dans des catégories séparées- pour moi, ils s’ interpénètrent.
Comme vous le disiez, j’ effectue en ce moment des recherches pour un article sur les sites de sexcams et je crois qu’ on voit émerger là une forme d’ intimité très xxi e siècle, qui va bien au-delà du fait de payer pour un show de webcam sexy. Ces systèmes offrent aussi un nouveau modèle de travail sexuel, sûr, sans contact direct, do-it-yourself, potentiellement lucratif et à la diffusion mondiale. Ca devient aussi une nouvelle forme de télé-réalité auto-produite, qui peut s’ avérer étonnamment convaincante( et je ne parle pas des aspects ouvertement sexuels). Certains de ces modèles dévoilent leur vie entière devant leur caméra, certains font des choses vraiment excentriques, comme du bricolage ou des émissions de cuisine nudistes, des Pictionary sexy et d’ autres jeux, dont certains se révèlent très élaborés. On y trouve régulièrement du yoga, des mimes, de la chanson folk( et masturbatoire) et des performances de toutes sortes, toujours en toute nudité. C’ est souvent extrêmement fascinant, cru et émouvant; c’ est un segment de la culture internet dont je pense que la plupart des gens ne soupçonnent pas l’ existence, à moins de faire partie des habitués de ces sites.
La Spirale suit ce qu’ il se passe en Afrique, continent propice à l’ éclosion d’ avancées technologiques qui rivalisent d’ ingéniosité. Je pense par exemple aux éditions du Maker Faire Africa qui se sont déroulées au Ghana, au Kenya et plus récemment au Caire. Ou encore au site Afrigadget. com, qui documente le recyclage technologique opéré par des Africains. Est-ce que d’ autres projets similaires ont attiré votre attention?
Oui, j’ adore le site Afrigadget. Lorsque j’ étais rédacteur en chef du site web de MAKE, je bloguais régulièrement à propos de personnes et de projets découverts via ce site. Et bien sûr, nous soutenions les évènements du Maker Faire Africa. Tout comme en Occident, les technologies toujours plus accessibles et plus puissantes, les nouveaux matériaux et le pouvoir collaboratif des communautés connectées sur le Net alimentent les innovations en milieu rural et le développement de régions comme l’ Afrique. C’ est tellement inspirant d’ entendre des personnes comme William Kamkwamba, l’ adolescent malawi qui a parcouru des livres de sa bibliothèque locale sur des moulins à vent( des livres d’ images et non pas des ouvrages techniques, s’ il vous plaît) et qui, en utilisant des pièces récupérées autour de lui, a construit un moulin à vent générateur d’ électricité pour sa famille en milieu rural. Bénéficier d’ informations à votre portée, d’ un accès à des outils, à du matériel et avoir la possibilité d’ entrer en contact avec d’ autres personnes, n’ importe où dans le monde, constitue un cocktail explosif. Aujourd’ hui, on commence à voir apparaître des hackerspaces dans un certain nombre de pays africains. C’ est vraiment très excitant.
Au-delà de l’ Afrique que nous venons d’ évoquer, vous intéressez-vous spécifiquement à certains pays ou à certaines régions du monde? Des lieux qui apporteraient leur part de nouveauté, quelque chose comme un avantgoût du futur?
“ Les cyborgs ont aussi besoin d’ amour!”
Je suis heureux de voir des hackerspaces commencer à éclore dans chaque coin du monde, de l’ Amérique du Sud jusqu’ au Moyen-Orient, de la Russie à l’ Irak et à l’ Iran. Nous allons voir de plus en plus d’ espaces de ce type parmi des populations qui ne comptent pas beaucoup d’ ingénieurs et de personnes instruites. Ca commence vraiment à pénétrer le grand public. Et c’ est très stimulant pour moi.
Après Wired, Mondo 2000, bOING bOING, Street Tech et le magazine MAKE, Borg Like Me est l’ occasion de dresser votre état des lieux. Qu’ est-ce qui vous nourrit encore votre intérêt pour cette scène technologique?
Lorsque j’ ai commencé à m’ impliquer fortement dans la technologie dans les années 80, j’ étais inspiré par l’ éthique cyberpunk telle que l’ a décrite William Gibson: « La rue trouve son propre usage aux objets. » Les gens me voient comme un geek, un technophile, mais honnêtement, je me suis davantage
ATYPEEK MAG # 01 OCT./ NOV./ DEC. 2016 109