AC: It’s about the refusal of a situation, which leads one to give energy to modifying the situation or to changing oneself. Either you modify the situation or you change yourself. “If you don ‘t like it, change it; if you can’t change it, like it.”
A&I: How did the people you meet end up on the streets after such a fall?
AC : People often say to me, “Someone who lost his job can find himself in the streets.” This is not true. It is rather that someone has lost his job, he drinks more than usual and as a result, his wife leaves him and he finds himself on the streets. I always found that the safeguards were emotional. If your family and your upbringing gave you a solid foundation, love enables you to stand on your own two feet. However, there is a downside to this: I am speaking about my experience in the streets in 2004. Today, the length of the financial crisis has certainly changed this situation and there are entire families that are excluded.
A&I : What can society do more for the homeless ?
AC This is complicated. Society is very divided over this. In some cases, it wants to help the homeless through welfare and housing, but on the other hand, it does not want to see them. Because society produces the homeless itself – in my opinion, it is the frenzy of capitalism…society is the body and those on the streets represent an illness. A body gets sick and they would be the symptoms: fever, rashes, etc….it itches and itches…How do we heal these wounds?
A&I : What do you think is the turning point that gets people off the streets?
AC : Oh, there are lots and lots of turning points: restoring confidence and self-esteem – there are so many of them. They have to stop drinking and other addictions, they have to rethink their lifestyle, it’s a whole rehabilitation. It is not just one turning point, although they would like it to be just one. That they find housing and…they would be scared to live alone. It is extremely complex.
A&I: I remember a passage in your book where you described through Pierrette this notion of solitude if they lived in an apartment again and that they preferred the bustle of the streets.
AC: They feel in their element when they sleep outside. I wrote some texts on exclusion during my experience: “Those who are excluded exclude themselves, and by a mechanism of self-destruction, they put themselves in an environment of sensations that correspond to their mental state. The harshness of existence joins forces with tangible perceptions: they say that they have to “toughen up” to survive. Everything becomes a stonewall, like these walls against which they hit their heads and their destiny. As for the cold, it reflects the cold they feel on the inside, the emotional emptiness of their existence. The grime and dirt reflect their inability to find a good solution, the right track in a tangled maze.”
AC : Il s’agit de la prise du refus d’une situation qui amène à donner une énergie pour la modifier ou se modifier soi-même. Soit vous modifiez la situation, soit vous vous modifiez vous-même. “If you don ‘t like it, change it; if you can’t change it, like it.” ("Si vous ne l’aimez pas, changez-le, si vous ne pouvez pas le changer, aimez-le.”)
A&I : Comment les personnes que vous avez rencontrées ont pu arriver à une telle chute à la rue?
AC : Souvent on me dit « quelqu’un qui a perdu son travail peut se retrouver à la rue. » Ce n’est pas exact. Non: quelqu’un perd son travail, et boit alors plus qu’il ne buvait et par conséquence, sa femme le quitte, il se retrouve à la rue. J’ai toujours observé que les garde-fous étaient affectifs. Si vous avez reçu de votre famille, de votre éducation, une base structurée, l’amour fait tenir droit.
Un bémol cependant : je parle de la rue que j’ai connue en 2004, aujourd’hui la durée de la crise financière a certainement modifié ce paysage ; il y a des familles entières qui sont exclues.
A&I : Qu’est-ce que la société peut faire de plus pour les sans-abris?
AC Ceci est compliqué. La société est très partagée. Tantôt elle veut les aider (aide sociale, logement) tantôt elle ne veut pas qu’on les voit. Car la société produit elle-même les gens de la rue – à mon avis, c’est un emballement du capitalisme…La société, c’est le corps, ceux de la rue, c’est la maladie. Un corps, ça tombe malade eux, en seraient les symptômes, fièvre, éruption, et… ça gratte, ça gratte…Comment faire disparaître ces plaies ?
A&I : Qu’est-ce qui fait le « déclic » pour s’en sortir ?
AC : Oh, plein, plein de déclics : restaurer la confiance, l’estime de soi, cela passe par tellement de chemins. Il faudrait qu’ils arrêtent l’alcool, la toxicomanie, qu’ils repensent leurs mode de vie, toute une rééducation. Ce n’est pas un déclic. Eux, ils voudraient que justement, cela soit un déclic. Qu’ils trouvent un logement, et…ils auront peur d’y vivre seul, c’est extrêmement complexe.
A&I : Je me souviens d’un passage où vous avez décrit à travers le personnage de Pierrette cette notion de solitude qui les habitent lorsqu'ils se retrouvent dans un appartement, et qu’ils en viennent à préférer l’animation de la rue.
AC : Ils se sentent dans leur élément quand ils dorment dehors. J’ai écrit des textes sur l’exclusion pendant mon expérience: « L’exclu s’exile de lui même et par un mécanisme d’autodestruction se place dans un environnement de sensations correspondant à son état mental. La dureté de l’existence vient rejoindre celle des perceptions tactiles : ils le disent, ils doivent se « durcir » pour survivre. Tout devient pierre-paroi, comme ces murs contre lesquels ils se frappent cognent la tête, la destinée. Quand au froid, il renvoie au froid intérieur, au vide affectif de leur existence. La crasse et la saleté renvoient à leur incapacité à trouver la bonne solution, le bon fil dans un écheveau emmêlé. »
«On oublie trop vite que sur cette terre, vivent, survivent, des enfants, des femmes, des hommes, nus et grelottants, avec pour seul abris, cette terre de chiffons et de haillons..
Que personne ne veut plus raccommoder. »
“We forget too quickly that on this earth there are children, women and men who live and survive, naked and shivering, with only this earth of rags and tatters as their shelter.
That nobody wants to mend”
- Anne Calife
© Anne Calife