Music
66
ArtSuisse
en
tendre et répondre. Je me demandai ce qu’ils
trouvaient de si spécial à ça. »
« Etre né avec cette oreille absolue s’est avéré
être à la fois un bienfait et une malédiction,
comme l’indique ce petit conflit. Il m’a toujours été difficile de travailler avec d’autres musiciens, étant donné que je peux immédiatement
entendre quand ils sont faux… et ça me rend
d’autant plus dingue quand des chanteurs sonnent faux, » gronda Atilla.
« Quand j’étais plus jeune et que je jouais
avec d’autres musiciens, je leur lançais toujours
des regards noirs lorsque nous nous produisions
parce que ça me fait réellement mal d’entendre
des notes mal jouées, qu’importe que la différence
soit minime. Et mes acolytes étaient tous plus
vieux que moi alors ils ne toléraient pas que je
leur dise qu’ils ne jouaient pas correctement. Il
m’était difficile de leur expliquer ce que j’entendais par là, alors j’abandonnais et souffrais en silence
– un silence plutôt bruyant, j’ajouterais. »
Simplement pour rafraîchir ma propre
mémoire, je rappelle que la carrière professionnelle de Daniela avait démarré quand elle avait
18 ans ; je demandai donc à Atilla de raconter
quelques unes de ses premières expériences sur la
scène professionnelle.
« A douze ans, je montai pour la première fois
sur scène avec mon frère dans un sextette, » ditil. « Nous jouions toutes les chansons italiennes
célèbres, beaucoup de Pepino di Capri qui était
populaire à l’époque. »
« Le piano que j’utilisais était gardé dehors, et
que les changements de température du jour à la
nuit affectaient son timbre. J’avais l’habitude de
ArtSuisse
en
passer au minimum deux heures par jour à l’accorder. Je l’accordais, en jouais, et le lendemain
je m’en approchais pour jouer quelque chose et
je grimaçais. Donc je prenais la clé d’accordage
que mon père m’avait donnée de ma poche et j’y
repassais deux heures. C’était atroce. »
« A 13 et 14 ans, j’ai travaillé avec Tülay German, la chanteuse numéro un en Turquie. C’était
vraiment une femme superbe. Son petit-ami de
l’époque était un journaliste important, et ils
m’ont amené chez eux et m’ont donné une éducation intensive sur le jazz. »
« En travaillant avec Tülay German pendant
tout l’été, je gagnai bien plus d’argent que ne le
faisait mon père – je jouais avec son trio et j’avais
une chaise spéciale parce que je ne pouvais pas
atteindre les pédales du piano à queue, » ajouta
Atilla.
« Ce n’était pas vraiment une enfance, » se
dit Atilla. « J’étais toujours entouré d’adultes.
Et pourtant j’étais toujours un peu puéril en ce
que je planquais des bandes dessinées dans mes
livres d’histoire. Mon père était vraiment très autoritaire et exigeait que j’étudie. J’étudiais, mais
plutôt mes Tintin. »
« A 16 ans, en 1966, je rencontrai plusieurs
musiciens jazz excellents et bien connus grâce à
leur groupe nommé Suheyl Denizci, qui jouaient
la musique de George Shearing. C’était quelque
chose de nouveau pour moi, ce qui piqua ma
curiosité. Ils m’amenèrent dans leur maison et
me laissèrent écouter George Shearing afin que
je me familiarise avec sa musique. On décrocha
des concerts réguliers, ce qui était vraiment génial
pour moi. »
Il semble qu’Atilla se soit trè