Art en Suisse 1/2015 Mar/Apr/May | Page 66

Music 66 ArtSuisse en tendre et répondre. Je me demandai ce qu’ils trouvaient de si spécial à ça. » « Etre né avec cette oreille absolue s’est avéré être à la fois un bienfait et une malédiction, comme l’indique ce petit conflit. Il m’a toujours été difficile de travailler avec d’autres musiciens, étant donné que je peux immédiatement entendre quand ils sont faux… et ça me rend d’autant plus dingue quand des chanteurs sonnent faux, » gronda Atilla. «  Quand j’étais plus jeune et que je jouais avec d’autres musiciens, je leur lançais toujours des regards noirs lorsque nous nous produisions parce que ça me fait réellement mal d’entendre des notes mal jouées, qu’importe que la différence soit minime. Et mes acolytes étaient tous plus vieux que moi alors ils ne toléraient pas que je leur dise qu’ils ne jouaient pas correctement. Il m’était difficile de leur expliquer ce que j’entendais par là, alors j’abandonnais et souffrais en silence – un silence plutôt bruyant, j’ajouterais. » Simplement pour rafraîchir ma propre mémoire, je rappelle que la carrière professionnelle de Daniela avait démarré quand elle avait 18 ans  ; je demandai donc à Atilla de raconter quelques unes de ses premières expériences sur la scène professionnelle. « A douze ans, je montai pour la première fois sur scène avec mon frère dans un sextette, » ditil. « Nous jouions toutes les chansons italiennes célèbres, beaucoup de Pepino di Capri qui était populaire à l’époque. » « Le piano que j’utilisais était gardé dehors, et que les changements de température du jour à la nuit affectaient son timbre. J’avais l’habitude de ArtSuisse en passer au minimum deux heures par jour à l’accorder. Je l’accordais, en jouais, et le lendemain je m’en approchais pour jouer quelque chose et je grimaçais. Donc je prenais la clé d’accordage que mon père m’avait donnée de ma poche et j’y repassais deux heures. C’était atroce. » « A 13 et 14 ans, j’ai travaillé avec Tülay German, la chanteuse numéro un en Turquie. C’était vraiment une femme superbe. Son petit-ami de l’époque était un journaliste important, et ils m’ont amené chez eux et m’ont donné une éducation intensive sur le jazz. » « En travaillant avec Tülay German pendant tout l’été, je gagnai bien plus d’argent que ne le faisait mon père – je jouais avec son trio et j’avais une chaise spéciale parce que je ne pouvais pas atteindre les pédales du piano à queue, » ajouta Atilla. «  Ce n’était pas vraiment une enfance,  » se dit Atilla. «  J’étais toujours entouré d’adultes. Et pourtant j’étais toujours un peu puéril en ce que je planquais des bandes dessinées dans mes livres d’histoire. Mon père était vraiment très autoritaire et exigeait que j’étudie. J’étudiais, mais plutôt mes Tintin. » « A 16 ans, en 1966, je rencontrai plusieurs musiciens jazz excellents et bien connus grâce à leur groupe nommé Suheyl Denizci, qui jouaient la musique de George Shearing. C’était quelque chose de nouveau pour moi, ce qui piqua ma curiosité. Ils m’amenèrent dans leur maison et me laissèrent écouter George Shearing afin que je me familiarise avec sa musique. On décrocha des concerts réguliers, ce qui était vraiment génial pour moi. » Il semble qu’Atilla se soit trè