Réfléchir |
C ’ était mieux avant …
Il est aisé de fredonner la rengaine nostalgique . Cependant , se remémorer le passé n ’ est pas un exercice inutile : pris dans notre époque , nous avons tendance à oublier que nos comportements ne sont pas intemporels . Jusqu ’ au début du 20 e siècle , le taux de mortalité infantile était élevé et les congés parentaux , inexistants . Malgré la rudesse des conditions matérielles , les parents d ’ antan semblaient envisager leur rôle avec une sérénité désormais absente . Avoir des enfants était un acte biologique qui ne suscitait pas de réflexions économico-écologicoexistentielles . Le nombre d ’ enfants était déterminé par la nature ou la volonté divine , selon les convictions . La mission des parents était d ’ assurer la survie de leur progéniture , et le devenir des enfants était d ’ être utile à la famille . Pragmatisme et productivité étaient le slogan des familles jusqu ’ à l ’ émergence de la médecine moderne et l ’ avènement de la société de consommation .
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De l ’ enfant-roi à l ’ enfanttyran
À partir du moment où la reproduction ne fut plus aléatoire mais choisie , la responsabilité des parents prit une dimension exponentielle : je dois assurer à cet enfant , que j ’ ai décidé de mettre au monde , la meilleure des vies . La quête du bonheur et l ’ évitement de toute frustration sont ainsi devenus les objectifs suprêmes , atteignables en embrassant pleinement la promesse de la société consumériste : acheter pour être heureux . La pression de toujours satisfaire les enfants a transformé ces derniers en disciples de Kim Jong Un : intransigeants , impatients et autoritaires , ils n ’ admettent aucune concession à leurs désirs . Pris dans une course infernale qui avait commencé par l ’ intention louable de protéger leurs enfants , les parents ne trouvent plus aucun répit .
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Travailleurs ou parents ?
Si la société peut être désignée comme responsable , les sociétés détiennent également leur part de responsabilité . Les réunions en fin de journée , la pression constante de résultats , la difficulté de déconnexion le soir ou le week-end indiquent qu ’ il y a un choix à faire : parent ou travailleur . La conciliation harmonieuse de ces deux fonctions est rare , et ce quoiqu ’ en dise l ’ expression « work-life balance » partout prononcée , mais si peu mise en pratique . Le parent est ainsi devenu un être schizophrène , condamné à faire des enfants pour ne pas pouvoir s ’ en occuper , comblant son absence par des écrans qui se sont érigés en murs d ’ incompréhension entre les générations . Il n ’ est pas étonnant , dans ce contexte , d ’ observer dans de nombreux pays une chute significative de la natalité . Conscients des paradoxes de notre société , la jeune génération est de plus en plus réticente à suivre le chemin de la parentalité .
Si le bon parent est une espèce menacée , cette menace est d ’ origine multiple : incohérence de la société de consommation , dureté du monde du travail , solitude face aux complexités de la fonction parentale . Le rôle du parent est certes de protéger son enfant , mais il doit lui aussi être collectivement protégé pour pouvoir mener à bien sa mission . Telle est la responsabilité de la société autant que des sociétés .
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Although the expression “ work-life balance ” is omnipresent , the theory rarely matches the practice ... |
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