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Je me souviens de son enthousiasme quand, à la Sainte Montagne de l’Athos, Géronda Aimilianos nous montrait l’importance de la prière personnelle nocturne, ou lorsqu’il découvrait et traduisait quelque hymne acathiste ou autre paraclisis. Dès les années 60, il avait traduit l’admirable et riche acathiste du Buisson Ardent, du moine Daniel de Roumanie. A Aubazine, il nous les commentait en communauté ou dans la voiture lors de nos déplacements. Avec grande humilité il adoptait ces hymnes, et chaque verset, chaque expression, étaient l’occasion d’une large mais synthétique vision des Ecritures dont il nous révélait les «harmoniques» et les développements ou les implications dans la vie spirituelle et dans la perception de la «communion des saints» en Eglise. Par là, il nous initiait à entrer dans «les profondeurs du cœur» et à y trouver en la présence divine de Jésus tous les Membres de Son Corps. Par ces commentaires, il nous éduquait et nous invitait à la prière continuelle qu’il faisait sienne. Le géronda Placide nous a aussi transmis sa sensibilité à la réalité profonde de l’Eglise, dison : au «Mystèr » de l’Eglise. Son charisme ne se manifestait pas en de grands développements de théologie spéculative – bien qu’il en eût été fort capable – mais il voyait, sentait et défendait l’expression de l’unité de l’Eglise – et sa condition – à travers l’unité de foi et l’unité sacramentelle. Il se raccrochait toujours à ce qui a été cru toujours et par tous, à ce qui a été universellement expérimenté dans la Liturgie et l’Office divin. Nous pouvons remarquer le souci qu’il a eu de nous transmettre le Psautier d’après la traduction des Septante et le soin qu’il a mis à traduire et à perfectionner inlassablement ces traductions, enrichies par les riches et multiples interprétations des Pères de l’Eglise. Il faut relire l’introduction à sa traduction du Psautier et se reporter aux notes qui accompagnent des mots ou des expressions spécifiques, pour comprendre à quel point elles sont le fruit de sa propre manducation des Psaumes et des Ecritures qu’il nous transmet et nous révèle. Après avoir évoqué sa vaste culture patristique, je voudrais aussi évoquer un autre aspect de notre père maintenant endormi : il avait une âme philocalique. N’avait-il pas projeté dans les années 70, de traduire en français et d’éditer avec l’aide de ses disciples la Philocalie ? Sa lecture des Pères et des grands spirituels n’était en rien de l’érudition, bien qu’il fut fin connaisseur, mais faisait de lui une authentique philocalie vivante. Elle l’amenait toujours à l’intime expérience de la vie spirituelle, c’est-à-dire de la vie en Dieu par la prière, l’ascèse et la contemplation, fruits de la foi, telle que les Pères neptiques la décrivent et vers laquelle ils nous orientent. C’est encore ce qu’il a voulu nous transmettre en mettant à notre portée par de fines et claires traductions «l’Echelle Sainte» de «Jean Climaque» et les «Discours ascétiques» d’Isaac le Syrien. Alors qu’il était strict sur tous les points relatifs à la doctrine théologique et spirituelle de l’Eglise, le père Placide savait allier un sens profond de «l’économie» dans les conseils spirituels pour lesquels on le consultait, mais toujours au service de la recherche de Dieu. En effet, tant pour lui-même que pour ceux qui se confiaient en lui, tout était au service non seulement d’une vie avec Dieu, mais d’une vie en Dieu. C’est ce qu’il nous montrait lorsque qu’il commentait le livre de Nicolas Cabasilas, «Ma vie en Christ». Peut être pourrions nous même dire que là résidait la raison profonde de sa conversion à l’Orthodoxie qui lui permettait de passer d’une vie avec Dieu et dans l’espérance, vivante dans la tradition latine et catholique, à une vie en Dieu à laquelle aspirent pour ici et maintenant les Orthodoxes – autant que leur faiblesse le leur permet – et que transmet consciemment leur Eglise. Pour conclure mes propos, je voudrais encore ajouter que d’une certaine manière, père Placide a été un trait d’union entre l’Orient et l’Occident chrétiens. Il n’a jamais rien renié de l’Occident, mais il y a toujours recherché trouvé et exalté les racines orthodoxes présentes en Occident, y décelant jusqu’à aujourd’hui, et chez maintes personnes ce qui en est toujours vivace, nous invitant non seulement à les découvrir, mais à les développer et à les amener à leur transfiguration par l’expérience spirituelle et liturgique de l’Orthodoxie. C’est ainsi qu’il savait aider et conseiller de nombreux Catholiques attachés à leur tradition et ne souhaitant pas à en changer, par des lectures appropriées à leur tradition. Le père Placide servait toujours l’Eglise en révélant au monde occidental les richesses mystiques de la tradition spirituelle, théologique, littéraire, liturgique, artistique de l’Orthodoxie, et en montrant aussi au monde orthodoxe, souvent ignorant de ces choses depuis le Grand Schisme de 1054, les richesses de la grande Tradition latine et des ceux qui en vivent encore.
Avec l’aide de Dieu et l’intercession de père Placide, les membres des métochia, et les fidèles bénéficiaires du même héritage, vont poursuivre avec humilité la voie qu’il nous a montrée et qu’avait jadis bénie Géronda Aimilianos et maintenant encore son digne successeur Géronda Elisée.
Non, père Placide ne vous laisse pas, non il ne nous laisse pas orphelins, il demeure présent, mais autrement, et pas seulement à travers ses écrits ou nos souvenirs intimes ; c’est ce qu’ont ressenti beaucoup de ceux qui – nombreux – l’ont veillé filialement, avec foi, jour et nuit, avec les Psaumes et beaucoup de paix, depuis sont trépas jusqu’à ses funérailles.
Père Placide, merci!
Géronda, mémoire éternelle !
Archimandrite Elie »